Le français tel qu'il est prononcé sonne étrangement à nos oreilles car si nous savons que notre langue a une histoire, faisant entrer dans l'usage certains mots ou expressions et en faisant tomber d'autres en désuétude, nous oublions qu'il en va de même pour la prononciation. Ce français paraît affecté, un peu outrancier mais il rend merveilleusement à la fois les registres de langues correspondant aux différentes classes sociales des personnages mais aussi les origines régionales.
La scène n'est éclairé qu'à la bougie, redonnant vie aux fameux de la rampe. Le décor est unique et indique un intérieur bourgeois. Il m'a rappelé (simple coïncidence ou référence consciente?) le décor de la mise en scène d'Atys de Lully par Villégier en 1987 : une salle au murs lamés d'or sombre, aux multiples entrées. Les costumes sont bariolés ou très simples en fonction du caractère des personnages et des moment du drame (la grande turquerie étant bien évidemment chamarrée).
Quant à la musique et à la danse... Car on a tendance, trace des classes de lettres modernes, à envisager les pièces de Molière uniquement comme des chef-d'œuvre pour le théâtre. Mais le théâtre est avant tout une scène sur laquelle tout peut se produire. Molière dans cette mise en scène sort du Lagarde et Michard pour redevenir l'homme des tréteaux et des baladins. On oublie trop souvent que les deux tiers de ses pièces sont des comédies-ballet car combien sont encore montées intégralement et fidèlement de nos jours ? Or l'intrication du théâtre, de la danse et de la musique n'a jamais été aussi forte que dans ce Bourgeois gentilhomme! Molière y manifeste même un réflexion extrêmement riche sur le genre du ballet, sur la spécificité des arts, leurs pouvoirs et leurs limitent.
Les danses quant à elles sont gracieuses et il faut être attentif aux mouvements de mains, très travaillés.
On peut regretter des longueurs (par exemple la scène de Mamamouchi), un manque de mordant et une captation vidéo qui privilégie les gros plans aux scènes d'ensemble, mais l'ensemble a le mérite d'exister et prend un risque par son souci de fidélité, comme si le théâtre vivait lui aussi à l'heure des baroqueux d'antan!