Argument : on assiste à un oubli du sens d’Auschwitz alors même que se multiplient les commémorations. Il ne faut pas se méprendre sur l’idée de l’auteur : compassion pour les victimes et révolte sont normales mais 1) ça n’explique rien, cela ne fait pas sens et peut même occulter le sens de l’événement et 2) il y peut être une fascination pour la Shoah pour la violence gratuite infligée à une victime sans défense.
L’auteur dresse donc de part et d’autre, c'est-à-dire du côté juif et du côté des belligérants (France de Vichy, Allemagne nazie et USA [?]), l’histoire de l’histoire de la Shoah. Pour le peuple juif le traumatisme est fondateur (ou catalyseur) du sionisme. Il n’y a pas d'État d’Israël sans Shoah. Il n’y a pas eu de résistance juive parce que les juifs dispersés en Europe vivaient leur judéité comme une confession privée, ils ne se vivaient pas comme un peuple. Si les juifs s’étaient pensés comme un peuple, la résistance aurait pu être plus active. [De ce point de vue la réflexion de l’auteur est d’un grande actualité car il pose la question du sens politique d’un État naît d’une telle catastrophe. Dans quelle mesure la situation actuelle d’Israël n’est-elle pas due en partie à cette absence de réflexion politique sur le statut exceptionnel de cet État ?] il ne faut pas oublier que les juifs ont participé à leur destruction.
Du côté des belligérants, il y a l’ombre portée de la question du gouvernement de Vichy. Comment la France de l’entre-deux-guerres a-t-elle pu déboucher sur la participation au génocide ? L’intérêt du livre est qu’il n’apporte pas de réponses historiques mais qu’il pose les bonnes questions. Questions qui sont oubliées par la pédagogie de la WWII en vigueur. Le point de départ de la réflexion est : comment enseigner Auschwitz ? c'est-à-dire qu’enseigner d’Auschwitz ? quoi ? Bensoussan propose d’entrer dans le détail de l’extermination non pour soulever une vague émotionnelle mais pour montrer que Auschwitz est une conséquence d’une évolution double : 1) l’avènement de l'État bureaucratique. Qui a tué les juifs ? Personne, car peu de témoins ont conscience d’y avoir participé. La normalité est de vigueur et c’est cela qu’il faut comprendre non pas tant d’un point de vue religieux ou métaphysique (le retour du mal), mais d’un point de vue politique. Qui a tué ? La machine d'État, broyeuse d’identité en même temps que constitutive de l’identité démocratique, productrice de conformité. 2) la mise en place de la biocratie. Shoah = purification hygiénique. [néologisme de biocratie est tout à fait actuel : affaire de l’enfant handicapé qui attaque ses parents et débats autour du clonage humain.]
=>Le sens de la Shoah est politique. Événement fondateur de l’histoire du XXe. Événement qui interroge et conditionne notre politique actuelle.