jeudi 11 février 2010

Mozart, Idomeneo, Opéra Garnier


Pas grand chose à applaudir hier soir à l'Opéra Garnier et pourtant... On nous annonçait Haim, la chef baroqueuse, Villazon dans le rôle d'Idoménée et Netrebko dans celui d'Electre... sauf que Haim a jeté d'éponge devant l'orchestre de l'Opéra de Paris, que Villazon a un kyste dans la gorge et que Netrebko a dû suivre son mari et a renoncé également. Tout ce qui restait donc c'était la mise en scène de Bondy...autant dire moins que rien. Le laconisme de la direction de l'Opéra de Paris concernant ces déprogrammations est pour le moins cavalier. Lorsqu'on prend un abonnement à l'opéra (une des seules chances d'avoir des places pas trop chères et pas trop mauvaises), on le choisit en fonction des distributions prévues. Que reste-t-il à faire pour les abonnés en cas de changement? Donner ou revendre sa place, ou bien y aller quand même en espérant que... malgré tout... J'ai déjà été confronté à ce problème au Théâtre des Champs-Élysées mais la relève s'était avérée assez bonne... Ce qui fut loin d'être le cas à Garnier.
Haim d'abord. Il semble qu'il y ait eu incompatibilité entre la chef et l'orchestre, ou que du moins, les répétitions nécessaires pour amener l'orchestre à l'esthétique voulue par Haim était incompatible avec les contraintes de programmation de l'Opéra. Orchestre rebelle ou Haim incapable d'expliquer ce qu'elle veut? La direction d'Haim est en effet pour le moins surprenante. Son succès, à défaut de sa qualité, ne s'appuie-t-il pas sur les excellents artistes dont elle parvient à s'entourer et qui de ce fait n'ont pas besoins de beaucoup de direction? Philippe Hui la remplaçait donc hier soir. Sagement, même s'il parvient à quelques beaux élans. Dans l'ensemble je n'ai pas entendu la variété des émotions que la partition convoque.
L'orchestre n'est pas mauvais, il fait preuve par moment de belles subtilités mais il lui manquait un chef qui emporte le tout. Au sein de cet ensemble pourquoi avoir choisi un pianoforte pour les récitatif? Certes, l'instrument a été joué par Mozart mais est-on sûr que c'est bien ce qu'il faut pour un opera seria? Ce genre ancien ne demandait-il pas un instrument plus traditionnel comme le clavecin?
Vocalement, la seule qui s'en sorte un peu est Tamar Iveri dans le rôle d'Electre. Tout le reste de la distribution est moyen, à la limite du médiocre. Charles Workman manque singulièrement d'agilité vocale, ce qui dans un opera seria, c'est-à-dire avec aria da capo où la reprise est l'occasion de démonstrations lyriques, est un comble. Vesselina Kasarova est un bien pâle Idamante, peu expressive, pas très bonne comédienne. Quant à Ilia, rôle pourtant superbe car c'est elle finalement la grande héroïne de cet opéra, un personnage entre la Phèdre de Racine et l'Iphigénie de Gluck, Isabel Bayrakdarian doit retourner à ses études. Rien que le récitatif d'ouverture n'est pas bien donné : mal joué et surtout pas musical. Quant à l'air qui suit n'en parlons pas! Rien n'est en place! On atteint le comble dans la reprise de son second air de l'acte 2. Imaginez donc ce que donne tout ce beau monde dans le trio et le quartet final!!! Abominable!
La mise en scène ne l'est qu'au sens littéral du terme. Bondy n'a rien fait. Le plateau incliné (qui par ailleurs grince très fort à un endroit) qui s'avance sur la fausse et au centre duquel un carré mouvant se dessine ne figure rien ou tout : une place, une plage, un temple... En toile des fond des vagues de différentes formes et couleurs qui ressemblent beaucoup à celles qu'on trouve sur des voitures tunées des années 80. Tout ce qui anime un peu cet ensemble, ce sont les éclairages qui dessinent des perspectives ou rendent des ambiances atmosphériques. Quand au choix d'ancrer l'histoire dans un temps historique déterminé (un approximatif après Seconde guerre mondiale), ce n'est ni plus ni moins qu'un contresens. Le livret (mauvais par ailleurs, on le sait, Mozart s'en est suffisamment plaint) indique que des prisonniers sont libérés, puis qu'un malheur s'abat sur la population, ergo les prisonniers sont libérés d'un camp et on met des cadavres emballés dans des sacs plastiques sur scène!!! On joue même la corde sensible en faisant venir une mère avec un enfant mort dans les bras, une pieta pendant que Idoménée déplore son sort... Toute la grandeur tragique créée par la distance disparait. Jamais on ne montre un corps mort sur la scène d'une tragédie classique alors que penser d'Arbace qui s'ouvre les veines sur scène??? Et pourquoi faire courir le chœur sur scène faisant ainsi un gros bruit de galoches qui couvre l'orchestre?? Pourquoi disposer sur le sable de l'avant-scène des déchets, comme les laisses de la mer? Pourquoi, au tout début du 3e acte couvrir le visage d'Ilia d'une sorte de voilette? A côté de cette plage salie, on dirait qu'elle a du goëmon ou un filet de pêcheur sur la figure!!
La faible puissance des applaudissements en fin de représentation semble confirmer mon opinion.
Cet opéra de Mozart n'a pas eu ici des assistants à sa hauteur. Il est pourtant, malgré ses défauts, d'une grande complexité et d'une grande beauté. 3 références pour le prouver. La subtilité de la partition est analysée avec un grande précision par Harry Halbreich dans Avant-Scène Opéra n°89. De grands interprètes peuvent rendre tout ce que comporte la partition. La preuve : l'enregistrement pas Levine avec Domingo dans le rôle d'Idoménée (même s'il y aurait des remarques à faire...), Bartoli dans le rôle d'Idamante (un peu trop roucoulante mais quelle merveille d'émotion!) et Grant Murphy dans le rôle d'Ilia (légèreté, gravité et agilité). Enfin, pour une mise en scène qui respecte d'esprit de la tragédie lyrique et de l'opera seria : celle de Pier Luigi Pizzi au Théâtre San Carlo de Naples dirigée par Marco Guidarini.

lundi 8 février 2010

Chopin, Alain Planès, Théâtre des Bouffes du Nord

La déferlante Chopin bat son plein et les Bouffes du Nord étaient bien remplies ce soir. Alain Planès donnait un programme que Chopin avait joué le 21 février 1846 sur pianoforte Pleyel avec lequel Chopin avait joué. Nous étions dans une approche doublement historienne. Le pianoforte était une belle pièce de musée qui a suscité la curiosité de nombreux auditeurs pendant l'entracte mais que les agents du théâtre gardaient à distance. Le programme était varié mais dans l'ensemble des pièces plutôt lentes, rien de très brillant, comme certaines valses. Le son du pianoforte semble en avoir surpris plus d'un. Il est vrai que le son est moins clair et puissant qu'un piano classique. Les morceaux se révélaient ainsi beaucoup plus nostalgiques et Chopin moins romantique, au sens courant du terme. Pourtant il me semble que le jeu constant de Chopin sur les modulations à l'intérieur d'une même composition se font plus entendre sur cet instrument. Planès un musicien d'une grande subtilité. Il est très exigeant. Il attend que le public ait fait un silence complet avant de jouer et il a manifesté un signe d'agacement (légitime!) quand une impolie a fouillé dans un sac plastique bruyant!
Une soirée exigeante à tous niveaux.