Mon année 2012 sera consacrée, pour une bonne part, à découvrir plus amplement le (si mal nommé?) Moyen Age. Dans le passé, il m'est arrivé de constituer des ensembles de lectures, d'écoutes et de visites à des thèmes : ce fut le cas pour Homère, pour la Mésopotamie mais aussi pour la christianisation de l'empire romain. Je viens de me lancer dans la lecture du Roman de Jaufre, dans l'excellente édition de René Lavaud et René Nelli chez Desclée de Brouwer. J'avais trouvé le coffret comprenant l’œuvre épique (Roman de Jaufre, Falmenca et Barlaam et Josaphat) et l'œuvre lyrique dans une solderie pour une vingtaine d'euros. Je n'avais pas encore eu l'occasion de m'y intéresser. Je consacre un billet particulier aux troubadours.
J'ai pris conscience qu'en général, la littérature mais aussi la musique médiévales intéressent peu et ne sont que rarement évoquées. Il suffit de voir la fréquentation du Musée national du Moyen Age (qui proposent pourtant de nombreuses activités pédagogiques) ou des salles médiévales du Louvre (qui contiennent pourtant de véritables chefs-d’œuvre). La cause en est peut-être (du moins partiellement), à chercher du côté des programmes d'enseignement de l’Éducation Nationale. Les textes de la littérature médiévale sont abordés au collège en 5e ! Une véritable gageure que d'aborder avec des élèves si jeunes des textes si particuliers dans leurs langues (d'oc, d'oïl, latin), dans leurs formes et dans leurs thèmes ! Après confirmation auprès de mes collègues de lettres, il s'avère en effet qu'au lycée la littérature médiévale n'est pas du tout abordée. Je ne comprend pas alors pourquoi dans la liste des auteurs au programme de philosophie, on trouve les noms d'Averroès, Thomas d'Aquin et Ockham... Certes, on peut étudier un extrait de texte en dehors de son contexte historique, s'il s'agit d'en tirer des arguments dans le cadre d'une problématique. Certes... et je le fais moi-même. Je constate cependant que cette pratique conforte les élèves dans leur anhistoricisme, quand ce n'est pas leur anachronisme. Ils restent inconsciemment prisonniers d'un présent sans épaisseur, d'un instant hédoniste.
De plus, les œuvres des auteurs précédemment cités sont censées pourvoir être étudiées dans leur intégralité. Et là je m'interroge : combien de mes collèges étudient en classe une œuvre d'un de ces auteurs ? De plus, les professeurs préparant les sujets d'examen sont censés pouvoir puiser dans ces mêmes auteurs. Et là, je constate : depuis quand ces auteurs médiévaux ont fait l'objet d'un sujet de bac ? La liste des auteurs au programme n'est-elle dès lors qu'une sorte de panthéon philosophique, une sorte de dignité posthume ? Ce que je critique ici (et qui pourrait être appuyé sur de nombreux autres exemples) est le manque de cohérence des programmes de l'éducation nationale entre les différents niveaux et les différentes disciplines. Cela ne peut conduire qu'à des incompréhension chez les élèves et de la frustration chez les enseignants de ne pouvoir faire comprendre toute la richesse d'une pensée.
Comment pénétrer dans ce massif qu'on appelle le Moyen Age, sachant qu'il s'étend chronologiquement du 5e siècle (410 sac de Rome par Alaric ou 476 Odoacre dépose le dernier empereur romain?) au 15e siècle (1453 chute de Constantinople) ? Il faut de bons outils pour ne pas s'y perdre, pour éviter amalgames et confusions, et surtout pour détruire les images d’Épinal qui hantent encore nos esprits sur cette période. Avec méthode, allons donc du général au particulier, de la synthèse à l'analyse, ce qui ne nous empêchera pas de faire quelques lectures digressives.
Pour avoir un bon panorama de la chronologie, de l'espace en question (déterminant ! car le Haut Moyen Age est européen), des forces en jeu, (politiques, religieuses, économiques etc.) ainsi que des grandes évolutions et de leurs étapes, on peut commencer par l’opuscule (170 pages) de Catherine Vincent : Introduction à l'histoire de l'Occident médiéval. Elle parvient à dresser un panorama de la période avec clarté en montrant les liens entre les différentes dimensions (politiques, sociales, religieuse, économique etc.). Tous les chapitres sont liés entre eux. Le chapitre 7 de la 2e partie, par exemple, se clôt sur l'image des poternes urbaines pendant que sonnent les cloches et ainsi s'ouvre le chapitre 8 sur la construction de la chrétienté. Madame Vincent a fait ici un bel effort d'écriture. Les historiens n'en sont pas tous capables (voir mon billet sur Le Moyen Age, Histoire).
Pour se repérer spatialement dans ce vaste ensemble, l'Atlas mondial du Moyen Age de Patrick Merienne (Éditions Ouest-France) est un bon outil, peu couteux. En plus des cartes, il propose des chronologies et les arbres généalogiques des grandes dynasties. indispensable pour ceux qui (comme moi...) ignorent quelles sont exactement les limites de l'Austrasie, de la Neustrie ou du royaume des Wisigoths.
Pour ce qui est de la dimension littéraire de la période deux ouvrages peuvent constituer une bonne entrée en matière. Le premier est l'Introduction à la littérature française du Moyen Age de Michel Zink. Aujourd'hui académicien et professeur de littérature médiévale au Collège de France, ce spécialiste organise son ouvrage autour des différents genres littéraires médiévaux (chansons de geste, poésie, roman, fabliaux etc.) en analysant pour chacun une œuvre représentative (La chanson de Roland par exemple pour la chanson de geste). L'ensemble est claire, concis et instructif. Il suscite la curiosité pour ces textes et ces genres aujourd'hui disparus, du moins dans ces formes initiales. Ce livre est un abrégé d'un manuel plus long destiné aux étudiants de première année. On s'y reportera en cas de besoin.
Enfin, pour entrer directement en contact avec les textes médiévaux littéraires, philosophiques, théologiques, scientifiques ou historiques l'anthologie publié par la collection Le Point Références est une bonne solution. Intitulée Comprendre le Moyen Age, la revue est divisée en 3 parties (plus ou moins justifiées mais ayant le mérite de poser des limites conceptuelles) : l'âge roman, l'âge gothique, le dernier Moyen Age. Fidèle au principe de la collection, on trouve sur la page de droite un extrait d'une œuvre médiévale et sur la page de gauche, une introduction et un bref commentaire.
Ces quelques ouvrages, peu couteux, très clairs et accessibles, permettent de poser quelques repères et jalons avant d'entrer plus avant dans la lecture directe des textes eux-mêmes.
Mon projet pour le moment comporte 3 axes. Tout d'abord préciser mes connaissances historiques sur la période, peut-être plus particulièrement en ce qui concerne la dimension spirituelle et l'histoire de la chrétienté. Ensuite je vais lire un ouvrage représentatif de chaque genre littéraire médiéval. Enfin, car je suis très ignorant sur la question, étudier la philosophie du Moyen Age (si t'en est qu'elle mérite ce nom...?). Ses thèmes, ses thèses et ses formes semblent si éloignées de la philosophie que je pratique quotidiennement que j'en attends un dépaysement intellectuel aussi marquant que celui éprouvé à la lecture de textes littéraires.
J'ai pris conscience qu'en général, la littérature mais aussi la musique médiévales intéressent peu et ne sont que rarement évoquées. Il suffit de voir la fréquentation du Musée national du Moyen Age (qui proposent pourtant de nombreuses activités pédagogiques) ou des salles médiévales du Louvre (qui contiennent pourtant de véritables chefs-d’œuvre). La cause en est peut-être (du moins partiellement), à chercher du côté des programmes d'enseignement de l’Éducation Nationale. Les textes de la littérature médiévale sont abordés au collège en 5e ! Une véritable gageure que d'aborder avec des élèves si jeunes des textes si particuliers dans leurs langues (d'oc, d'oïl, latin), dans leurs formes et dans leurs thèmes ! Après confirmation auprès de mes collègues de lettres, il s'avère en effet qu'au lycée la littérature médiévale n'est pas du tout abordée. Je ne comprend pas alors pourquoi dans la liste des auteurs au programme de philosophie, on trouve les noms d'Averroès, Thomas d'Aquin et Ockham... Certes, on peut étudier un extrait de texte en dehors de son contexte historique, s'il s'agit d'en tirer des arguments dans le cadre d'une problématique. Certes... et je le fais moi-même. Je constate cependant que cette pratique conforte les élèves dans leur anhistoricisme, quand ce n'est pas leur anachronisme. Ils restent inconsciemment prisonniers d'un présent sans épaisseur, d'un instant hédoniste.
De plus, les œuvres des auteurs précédemment cités sont censées pourvoir être étudiées dans leur intégralité. Et là je m'interroge : combien de mes collèges étudient en classe une œuvre d'un de ces auteurs ? De plus, les professeurs préparant les sujets d'examen sont censés pouvoir puiser dans ces mêmes auteurs. Et là, je constate : depuis quand ces auteurs médiévaux ont fait l'objet d'un sujet de bac ? La liste des auteurs au programme n'est-elle dès lors qu'une sorte de panthéon philosophique, une sorte de dignité posthume ? Ce que je critique ici (et qui pourrait être appuyé sur de nombreux autres exemples) est le manque de cohérence des programmes de l'éducation nationale entre les différents niveaux et les différentes disciplines. Cela ne peut conduire qu'à des incompréhension chez les élèves et de la frustration chez les enseignants de ne pouvoir faire comprendre toute la richesse d'une pensée.
Comment pénétrer dans ce massif qu'on appelle le Moyen Age, sachant qu'il s'étend chronologiquement du 5e siècle (410 sac de Rome par Alaric ou 476 Odoacre dépose le dernier empereur romain?) au 15e siècle (1453 chute de Constantinople) ? Il faut de bons outils pour ne pas s'y perdre, pour éviter amalgames et confusions, et surtout pour détruire les images d’Épinal qui hantent encore nos esprits sur cette période. Avec méthode, allons donc du général au particulier, de la synthèse à l'analyse, ce qui ne nous empêchera pas de faire quelques lectures digressives.
Pour avoir un bon panorama de la chronologie, de l'espace en question (déterminant ! car le Haut Moyen Age est européen), des forces en jeu, (politiques, religieuses, économiques etc.) ainsi que des grandes évolutions et de leurs étapes, on peut commencer par l’opuscule (170 pages) de Catherine Vincent : Introduction à l'histoire de l'Occident médiéval. Elle parvient à dresser un panorama de la période avec clarté en montrant les liens entre les différentes dimensions (politiques, sociales, religieuse, économique etc.). Tous les chapitres sont liés entre eux. Le chapitre 7 de la 2e partie, par exemple, se clôt sur l'image des poternes urbaines pendant que sonnent les cloches et ainsi s'ouvre le chapitre 8 sur la construction de la chrétienté. Madame Vincent a fait ici un bel effort d'écriture. Les historiens n'en sont pas tous capables (voir mon billet sur Le Moyen Age, Histoire).
Pour ce qui est de la dimension littéraire de la période deux ouvrages peuvent constituer une bonne entrée en matière. Le premier est l'Introduction à la littérature française du Moyen Age de Michel Zink. Aujourd'hui académicien et professeur de littérature médiévale au Collège de France, ce spécialiste organise son ouvrage autour des différents genres littéraires médiévaux (chansons de geste, poésie, roman, fabliaux etc.) en analysant pour chacun une œuvre représentative (La chanson de Roland par exemple pour la chanson de geste). L'ensemble est claire, concis et instructif. Il suscite la curiosité pour ces textes et ces genres aujourd'hui disparus, du moins dans ces formes initiales. Ce livre est un abrégé d'un manuel plus long destiné aux étudiants de première année. On s'y reportera en cas de besoin.
Enfin, pour entrer directement en contact avec les textes médiévaux littéraires, philosophiques, théologiques, scientifiques ou historiques l'anthologie publié par la collection Le Point Références est une bonne solution. Intitulée Comprendre le Moyen Age, la revue est divisée en 3 parties (plus ou moins justifiées mais ayant le mérite de poser des limites conceptuelles) : l'âge roman, l'âge gothique, le dernier Moyen Age. Fidèle au principe de la collection, on trouve sur la page de droite un extrait d'une œuvre médiévale et sur la page de gauche, une introduction et un bref commentaire.
Ces quelques ouvrages, peu couteux, très clairs et accessibles, permettent de poser quelques repères et jalons avant d'entrer plus avant dans la lecture directe des textes eux-mêmes.
Mon projet pour le moment comporte 3 axes. Tout d'abord préciser mes connaissances historiques sur la période, peut-être plus particulièrement en ce qui concerne la dimension spirituelle et l'histoire de la chrétienté. Ensuite je vais lire un ouvrage représentatif de chaque genre littéraire médiéval. Enfin, car je suis très ignorant sur la question, étudier la philosophie du Moyen Age (si t'en est qu'elle mérite ce nom...?). Ses thèmes, ses thèses et ses formes semblent si éloignées de la philosophie que je pratique quotidiennement que j'en attends un dépaysement intellectuel aussi marquant que celui éprouvé à la lecture de textes littéraires.