vendredi 19 juillet 2013

Cécile McLorin Salvant, Café de la danse, Paris

Du sang frais en jazz vocal féminin !! Enfin !! D'aucuns sur le net boudent leur plaisir en émettant des critiques sur sa technique et des doutes sur son devenir, pour ma part, je suis emballé par la jeune Cécile McLorin Salvant. J'avais découvert chez Gibert son existence, son talent et son prochain concert d'un seul coup ! 
Cette jeune femme (à peine plus de 25 ans) surgit dans le paysage du jazz vocal avec un voix très puissante, très ample mais aussi des choix musicaux originaux (plutôt le jazz des années 30-40).
Cécile McLorin Salvant manifeste un certain engagement dans le choix de ses titres, la rapprochant en cela d'Abbey Lincoln qui semble aussi, avec Shirley Horn, être une de ses références modernes. Son album est marqué par le jazz new-orleans ainsi que le blues : St. Louis Gal, Nobody, You bring out the savage in me, John Henry, Jitterburg Waltz.
Sa voix mais surtout sa technique me font penser à Betty Carter. Il suffit d'écouter son interprétation de What a little moonlight can do. L'introduction très longue (1 min 10 !!) qui joue sur le simple "Oh what !" initial montre sa capacité à jouer autour du texte en se jouant de sa structure, en le travaillant et en faisant exploser sa structure rythmique. Écoutez les changements de tempo dans ce titre, ainsi que son étirement dans le temps, la parenté avec Betty Carter est évidente ! Soyez aussi attentifs à la virtuosité du solo de piano autour de la 4e minute : les jeux de la main droite et de la main gauche sont complètement déconnectés.
Le concert a confirmé l'impression du disque, même s'il lui a fallu deux titres pour se chauffer et être plus juste. Elle semble un peu timide, un peu en retrait alors même qu'elle dispose de moyens vocaux phénoménaux : elle a une voix puissante, capable d'impressionnants sauts d'octave. Elle a une diction parfaite, très détachée, un peu à la Carmen McRae. Voilà donc une jeune femme dont le prochain enregistrement sera déterminant. En attendant, réécoutons Woman child et pour ceux qui veulent la découvrir : le site du centre de jazz de San Francisco.

Roberta Gambarini, New Morning, Paris

Et dire que j'ai failli rater la venue à Paris de cette chanteuse de jazz dont j'ai les enregistrements mais que je n'avais jamais vu en concert ! J'aurai vraiment raté quelque chose !! Roberta Gambarini est d'origine italienne, elle est née à Milan, mais elle vit aux États-Unis. Elle n'a que trois albums à son actif, mais elle est accompagnée depuis ses débuts par les musiciens les plus reconnus. Sur le premier, elle a travaillé avec John Clayton partenaire de Diana Krall. Sur le second enregistrement, elle est accompagnée par Roy Hargrove et sur son dernier, elle est en duo avec le grand pianiste Hank Jones. C'est comme si cette belle brune n'avait pas eu à faire ses débuts mais que d'emblée, elle ait été reconnue comme une immense chanteuse et une grande musicienne.
 C'est une petite femme, dans sa quarantaine qui arrive sur scène, en robe bustier très courte (ayant affriolé les vieux messieurs du premier rang). L'imitation croco lamé noir n'est cependant pas du meilleur gout. Elle a un sourire éclatant sous sa crinière fournie et frisée.
Le concert a commencé de façon peu commune, car elle l'a dédicacé à Trayvor Martin et a chanté a cappella un gospel. La salle a immédiatement été refroidie et je me suis demandé comment elle allait engager la suite. Sans transition !
Ses deux sets ont été assez différents. Le premier excellent, très original, mêlant ballades et blues, standards et titres rares, en anglais mais aussi en italien (le sublime Estate !!) et en français. Le second set était plus classique, elle y a osé moins de choses, à l'exception d'un duo improvisé avec Denise sur East of the sun, West of the moon
Roberta Gambarini est en pleine possession de ses moyens vocaux. Elle peut tout se permettre de la ballade, à la limite du torch song, au blues le plus débridé, en passant par la bossa. Elle nous a donné un Chega de saudade d'anthologie !! Elle fait partie de celles qui scatent (pour ceux qui n'envisagent pas une chanteuse de jazz qui ne scate pas ou pour ceux qui ne supportent pas) et elle ne le fait pas parce que c'est un code du genre mais parce que c'est un moyen parmi d'autre de chanter, c'est-à-dire de faire de la musique. Elle ose même, la main sur le micro, faire un solo de trompette et c'est convaincant !! Elle a la faculté rare, très rare, je ne l'ai vu que chez Dee Dee Bridgewater, de se lancer dans une véritable improvisation de scat sans savoir où elle allait et d'emmener le public avec elle. C'est une très grande musicienne. Sa voix a un timbre très beau, très simple, sans grain ou velouté particulier mais elle peut tout se permettre du fait d'un registre très étendu. Elle a une diction parfaite. Ce concert fut une révélation car je n'aurai jamais pensé à l'écoute de ses enregistrements qu'elle puisse être aussi explosive sur scène. Une femme à suivre et, à mon avis, pour longtemps !
Ses jeunes musiciens étaient bons, mais ils sont restés un peu en retrait, à l'exception du batteur. Il faut dire que Roberta Gambarini sait ce qu'elle veut : elle conduit.
Par contre, on a connu le New Morning un peu mieux organisé. Micros changés à la dernière minute, oublis de raccordements, intervention pendant un morceau, instruments trop en retrait, nombreuses demandes des musiciens pour le retour, bref techniquement à revoir.