dimanche 6 novembre 2011

Mendelssohn, Octuor à cordes op.20

 Enfin, j'ai eu l'occasion d'entendre en concert ce chef-d’œuvre précoce de Mendelssohn : l'octuor à cordes en mi bémol majeur op.20 de 1825! Je poursuivais mon exploration du genre du quatuor à cordes, lorsque je suis tombé sur cette pièce à la fois directe, très touchante, en même temps très alerte, fougueuse et d'une écriture très savante, exigeant des interprètes virtuoses. On le sait, le quatuor à cordes est un genre d'une extrême technicité où seuls les plus grands sont parvenus, parfois après beaucoup de tâtonnements (Brahms n'y venant que tardivement et après avoir détruit de nombreux manuscrits), à produire non seulement quelque chose de beau mais surtout de novateur : Haydn (qui a quasiment seul inventé le genre), Mozart (qui a réussi à introduire quelques innovations) et bien sûr Beethoven (qui a tracé pour la forme les voix de son futur). Ce dernier a déjà composé la série des quatuors Razumovsky ainsi que le Serioso, quand Mendelssohn rédige cet octuor. Il n'a alors que 16 ans! Et il n'écrit pas seulement pour un quatuor mais pour un double quatuor! Cela aurait pu ressembler à l'exercice d'un élève doué qui s'amuse à rédiger en latin dans le style de d'Horace une poétique nouvelle. Mais cet octuor n'a rien d'immature et là est le miracle! Il est d'une écriture complexe mais on y sent l'exubérance de la jeunesse, forte de la libre expression de ses forces. Tout ce que l'enregistrement par les quatuors Pražák et Kocian restitue. Ce disque, par lequel j'ai découvert cette pièce, ne mérite  pas sans raison son Diapason d'or! Ils parviennent à bien souligner les nuances au sein de chaque mouvement, sans négliger l'unité de l'ensemble. Leur énergie dansante dans le scherzo est, à ma connaissance, inégalée au disque. Le Quatuor Emerson a enregistré l'intégralité des quatuors de Mendelssohn ainsi que cet octuor mais ils ne parviennent pas, à mon sens, à atteindre cette légèreté, ce feu, en un mot cette intelligence des tchèques. 
 











Le risque pour moi était que la jeune formation Spira Mirabilis ne soit pas à la hauteur de l’œuvre.Ce ne fut pas le cas, même si l'interprétation proposée n'est pas sans faiblesse. Il n'y eut, bien heureusement, aucun problème dans la restitution des tempi et leurs variations mais un petit problème d'homogénéité. Le premier violon, Lorenza Borrani, était beaucoup trop marqué et avait tendance à insuffler trop de sentiments par ses longs legato. Le principe de cet octuor réside dans l'unité de l'ensemble : aucun instrument ne domine véritablement ni ne dirige. Là, ce fut un peu trop le cas. Par contre j'ai beaucoup apprécié l'engagement des musiciens après le concert. Ils proposent en effet un échange avec le public. Chose extrêmement rare! Certains spectateurs ont saisi cette occasion pour leur reprocher de ne jouer que cette pièce. Ils ont défendu leur choix en expliquant que les auditeurs peuvent alors se concentrer uniquement sur l’œuvre jouée et repartir en un sens avec elle. L'ensemble est engagée dans une démarche pédagogique assez inhabituelle. Ils ont décidé (jusqu'à quand?) de ne pas enregistrer pour inciter le public à aller au concert plutôt qu'à acheter des disques. Ils n'ont pas tort, mais encore faudrait-il que les salles et les maisons de productions proposent des tarifs plus accessibles. En l'occurrence 18€ pour le seul octuor de Mendelssohn, n'est-ce pas un peu cher?
Programme du concert à la Cité de la musique