Enfin, je viens de finir, il faut le dire, péniblement (même si cette lecture ne m'a pris que 15 jours), Les Confessions de Saint Augustin. Après mon université d'été solitaire portant sur le passage (mais est-ce le bon terme?) de la philosophie au christianisme, la lecture de Saint Augustin me semblait intéressante dans la mesure même où il fut l'un des derniers héritiers de l'enseignement classique mais que sa foi le conduisit à mettre au service de la religion chrétienne la rhétorique et la philosophie grecque et romaine qu'il connaissait. La lecture (qui encore une fois fut un plaisir de découvertes et de style) de Les Divins Césars, Idéologie et pouvoir dans la Rome Antique (Tallendier, 2004) de Lucien Jerphagnon m'avait incité à rouvrir Saint Augustin. Il lui consacre en effet plusieurs passages dans la mesure où sa relation à l'histoire de la pensée et au pouvoir est révélatrice d'une mutation historique inédite.
Je dis bien rouvrir car Les confessions de Saint Augustin, du moins le livre XI à partir du chapitre 7 et le livre XII, des chapitres 11 à 15, avaient été au programme de Normale Sup. J'avais donc suivi un cours sur les chapitre plus particulièrement philosophiques portant sur la notion de temps, de mémoire et de création. Je disais plus haut que l'ouvrage m'a paru hétéroclite et il est vrai que ces “chapitres philosophiques” m'ont plu. J'y retrouve la trace d'un auteur qui a lu les mêmes auteurs que moi. Et c'est d'autant plus intéressant que je peux alors voir ce qu'il en fait. Il n'est d'ailleurs pas étonnant que nourri de cette tradition grecque, la lecture de l'Ancien Testament ne lui ait rien fait et qu'il est trouvé l'ouvrage étrange et obscure! Sa “conversion” en est d'autant plus mystérieuse (au sens religieux du terme, voir l'épisode dans le jardin à Ravenne) et l'effet sur lui ravageur. Ne dit-il pas : “il m'est doux, Seigneur, de vous confesser par quels secrets aiguillons vous m'avez pleinement dompté ; comment vous avez aplani mon âme en ravalant les montagnes et les collines de mes pensées […]”(IX,4)
Ces propos m'effraient…
Il y a donc dans cet ouvrage une partie de souvenirs de jeunesse qui est touchante, une partie philosophique et une partie exégétique qui m'a semblé bien confuse car je n'en possède pas les clés de lecture. La fin de l'ouvrage peut passer pour de la bondieuserie, ce qu'elle n'est pas. Il s'agit plutôt de d'une forme de mysticisme.
Ce qui m'a le plus intéressé en tant que philosophe, c'est son approche phénoménologique de l'expérience du temps. C'est, à l'époque, inouï. Je pense que je ferais étudier certains de ces passages si je dois faire une cours sur le temps. De même, son analyse des spectacles (III,2) qu'il aimait tant, reprend les concepts aristotéliciens de La poétique, pour aboutir à une position inverse de celle du Stagirite : une critique des spectacles. On trouve par contre une critique de la mythologie (III,1) proche de celle de Platon dans la République. La distinction qu'il pose entre vouloir et pouvoir (VIII,5) à partir de la distinction entre le corps et l'esprit est subtile. Son analyse du bonheur (X, 20) est tout aussi intéressante.
Ce qui par contre ma choqué ce sont des expression et des conceptions proprement chrétiennes. Par exemple cette dichotomie de l'âme et de la chaire (qu'on trouve certes déjà chez Socrate, du moins celui de Platon, mais aussi auparavant chez les pythagoriciens) qui le conduit à appeler sa mère “la mère de ma chaire”. L'opposition des lois humaines aux lois de dieu (refuge de tous les fanatismes), la seule société juste étant cette qui respecte les lois divines (III,9). Il critique également la science de la nature (V,4). Il a des phrases qui feraient hurler de rire un nietzschéen car il avoue se sentir coupable de ressentir du plaisir à assouvir sa faim !
Ce n'est pas un ouvrage facile et les problèmes de traduction sont importants. Qu'est-ce qui s'offre au lecteur?
La vieille traduction d'Arnaud d'Andilly du XVIe siècle chez Folio. C'est un monument de classicisme français mais je ne suis pas sûr que le texte y gagne.
Il a aussi l'édition proposée par Les Études Augustinienne. Elle est sûrement excellente mais chère et pas forcement facile à trouver.
Pour ma part, puisque je l'avais sous la main j'ai lu la traduction Trabucco chez GF.
Je pense que le mieux, si on peut se le permettre, et de se procurer l'édition de La Pléiade, sous la direction de Lucien Jerphagnon, dans la mesure où il s'agit d'une traduction récente, accompagnée d'un indispensable appareil critique, de notes et d'introductions.
Je recommande aussi pour préparer la lecture de Saint Augustin, le très court mais très intéressant et richement illustré, Saint Augustin, le pédagogue de Dieu, de Jerphagnon (non! je ne suis pas son neveu! Je ne fais pas de publicité! Simplement cet homme a une connaissance prècise de la période et des ses enjeux politiques et philosophiques et il a le mérite d'être une clarté rare et son style n'est pas sans humour) chez Découvertes Gallimard. Il situe l'homme dans son époque, et dans sa vie avant d'engager un parcours rapide de la très ample pensée d'Augustin. Un livre vite lu mais dans lequel on apprend beaucoup de choses avant d'aller explorer le reste!
Bonnes lectures!
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