jeudi 8 janvier 2009

Rothko, Tate Modern, Londres

Voir Rothko demande du temps car l'aspect méditatif des œuvres demande un travail de l'œil pour y repérer les variations et les nuances (surtout dans les œuvres noires tardives ), mais aussi un déplacement dans l'espace vu la dimension des œuvres : l'œuvre nous englobe, nous dépasse, nous déborde (surtout dans cette exposition où elles étaient accrochées beaucoup trop haut!). Seule l'association du travail de l'œil et du déplacement corporel permet de percevoir les effets de mouvement dans les toiles. Car il y en a ! Rothko n'est pas le peintre du statisme qu'on croit. Il y un jeu subtil de brillances, d'ondulation de la couleur, de réverbération ou d'absorption de la lumière. Parfois le changement est radical. Y a-t-il un seul point-de-vue à partir duquel l'œuvre se révèle entière, toute entière? Les grands formats rendent impossible une telle approche. Ainsi l'uniformité d'un espace disparait au profit d'un camaïeu en fonction de la position plus ou moins haute de l'œil par rapport au tableau. La vision de biais modifie aussi l'œuvre en renforçant l'uniformité du fond et du carré et mettant en exergue le fond qui sert de cadre à tout cela. Les oranges deviennent poudrés, gazeux. Dans le Red on marron (Tate collection, 1959), le changement est radical : vue du côté gauche, la bande vire très rapidement au rouge très sombre. Vue de droite, la bande inférieure semble moins rouge et la bande supérieure marron.
Ce qui me semble plus intéressant pour parler de la dernière série des Black on grey et de ses effets est l'idée de poids sur laquelle Rothko semble jouer, alors que ce concept semble inapproprié pour la série Seagram, où ce qui joue est plutôt l'effet de rythme (même si cette proposition de lecture est hypothétique du fait de l'absence absolument certaine d'une installation spécifique) et de densité : du gazeux, aérien, poudré, voire évanescent, diffus dans le cas de Black on maroon (1959), au cerné, démarqué, net.
Face à ce Black on Maroon de la Seagram série, j'ai confirmé la validité de la démarche spatiale : à 2 mètres du mur, la toile accrochée à 1 mètre du sol, on ne perçoit pas la forme, on ne perçoit que deux colonnes de fumée qui montent.
On perçoit d'étranges effets de mouvements dans les gris de la dernière série Back on grey, des mouvements circulaires, des transparences du fait d'une application épaisse, dense de la matière picturale. Rothko y pousse au plus loin les effets de vibration et de densité sur lesquels il travaillait.
Le mini-site de l'exposition est toujours actif et très instructif.

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