jeudi 8 décembre 2011

Verdi, La force du destin, Opéra Bastille

Inutile d'ajouter ma voix au concert des critiques qui pleuvent dans tous les médias (à l'exception de la Tribune dont le chroniqueur soit n'a pas assisté à la représentation, soit est tout simplement sourd) sur cette nouvelle production de l'Opéra de Paris. La plus grave des critiques étant l'indigence de la voix de tous les chanteurs sur scène. J'étais au 3e rang du parterre et il m'était pourtant difficile parfois d'entendre Marcelo Alvarez au dessus de l'orchestre! Quant à Madame Urmana, on l'annonce, dès le début de la représentation, souffrante mais néanmoins chantant!? N'aurait-il pas mieux valu accorder sa chance à la doublure? Les interprètes sont à ce point peu en forme qu'il leur arrive tout simplement de crier au lieu de chanter et dans le très périlleux duo masculin du dernier acte, Monsieur Alvarez s'éclaircit le gosier en buvant à sa gourde!!! Vocalement, ce que j'ai entendu ce soir là est indigne d'une scène nationale! Les critiques des spectateurs pendant les entractes étaient assassines, tout particulièrement concernant la Preziosilla de Nadia Krasteva, vocalement peu convaincante et au jeu un peu vulgaire. Même le moins mélomane des spectateurs ce soir là a dû percevoir que ce qu'il entendait (s'il l'entendait...) était bien léger....
Le seul aspect intéressant de cette production est surement la mise en scène, même si certains l'ont critiquée également. Je trouve pourtant qu'elle relève une véritable gageure vu la diversité des lieux de l'action. Jean-Claude Auvray n'a recours qu'à des toiles peintes qui montent ou descendent des cintres et servent à isoler une action, souligner une émotion développée par le chant. Ce choix me semble judicieux dans la mesure où par ailleurs, il a opté pour des costumes historiques inscrits dans l'époque de composition de l'opéra. Le contraste entre les deux ne fait que souligner la situation des personnages en évitant une approche cinématographique et un décor pléthorique inspiré du film de cap et d'épée (tentation certaine pour cet opéra).
Il va sans dire qu'encore une fois, l'orchestre de l'Opéra de Paris dirigé par Philippe Jordan est tout simplement exceptionnel, ne faisant que souligner la pauvreté du chant...
Ce que je voudrais souligner en dehors de ces remarques (qui m'ont conduit finalement à quelques critiques), c'est à quel point cet opéra est mal fichu. C'est Verdi que j'attaque! Le titre de l'opéra ne nous indique rien quant à l'action qui va se dérouler et il conviendrait aussi bien à Rigoletto ou au Bal masqué. Nous pourrions nous attendre à voir, à ressentir l'inexorabilité du destin qui s'accomplit quelles que soient la volonté et la vitesse avec lesquelles les personnages essaient de le fuir. Or, à l'écoute au casque de la version de Riccardo Muti, comme lors de la représentation à Bastille, je n'ai rien éprouvé. C'est un opéra qui me laisse totalement froid. Pourtant je ne suis pas insensible à la musique de Verdi (voir mon billet sur Rigoletto), mais là rien. Que cet opéra ait rencontré un grand succès lors de sa création pour des raisons politiques et historiques, je peux le comprendre. Au travers de ce prisme, habité par de légitimes revendications d'indépendance, l'opéra est clairement engagé. Cependant, il s'agit de raisons extra-musicales. Je reconnais n'être pas très au fait du style verdien, même si j'ai déjà écouté et vu un certain nombre de ses opéras (je vais d'ailleurs parce que je n'aime pas lire quelques ouvrages, écouter d'autres œuvres comme le Macbeth de Bastille diffusé sur France 3). Pour revenir sur La forza del destino, ce qui empêche toute émotion de se déployer, tout attachement aux personnages et à leur devenir, est la constante intervention du chœur (soldats, pauvres, religieux) et la multiplication d'actions extérieures au drame du trio principal. Le plus mal venu et le plus insupportable étant le rataplan (Acte 3, scène 14)
Cet opéra m'apparait comme une sorte de patchwork d'éléments hétéroclites, à peine esquissés : une histoire d'amour qui n'a jamais vraiment eu lieu, une faute qui n'a jamais été commise, une fuite qui ne mène à rien, des scènes de guerre et de duel, des élans religieux etc. Quelle est l'unité de tout cela? La musique aurait pu l'être. Il ne me semble pas que ce soit le cas.
Enfin, a-t-on vraiment analysé le personnage de Leonora? Loin de moi l'idée d'engager une lecture féministe mais du point de vue dramatique, Leonora est, une fois de plus chez Verdi (comme chez Wagner par ailleurs), le bouc émissaire des hommes (quoique chez Wagner la femme se sacrifie, tandis qu'ici elle est assassinée). Elle est en effet maudite par son père car elle voulait s'enfuir avec un homme dont le rang social semblait indigne (on apprendra qu'en fait c'est un fils de roi). Perdant son amant dans la fuite, elle est alors pourchassée des années durant par son frère qui veut venger la mort (accidentelle) de son père et l'affront d'une sœur désobéissante. Le seul refuge qu'elle envisage est alors la foi. Et ce n'est pas au sein d'un cloître confortable mais dans un véritable ermitage : seule au désert avec sa faute. Mais quelle faute? Celle d'avoir voulu aimer? J'en viens à me demander pourquoi fait-elle preuve d'autant de masochisme? Le pire étant que Verdi ne met aucune distance critique dans ce sacrifice. Le seul lieu possible de l'union des amants est au paradis... Piètre consolation!
Même ceux qui ne connaissent pas cet opéra en connaissent la symphonie d'ouverture (jouée à Bastille comme prélude à l'acte 1) et c'est peut-être en effet tout ce qu'il y a à retenir de cette œuvre...

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