mardi 19 février 2013

Amandine Beyer, Bach, Sonates et partitas, Théâtre des Abbesses

Quel bonheur de commencer mes vacances par les Sonates et Partitas de Bach ! Certes, ce n'est pas une musique facile, elle demande de la part de l'auditeur une bonne concentration. Il m'est déjà arrivé de me laisser un peu emporter par le côté dansant de certaines pièces et ainsi de perdre le fil du propos, la perception de la construction de l'ensemble. 
Je n'avais jamais eu l'occasion d'écouter ces Sonates et Partitas au concert ni d'écouter Amandine Beyer sur scène. Je ne connaissais que son enregistrement Chaconne avec Edna Stern. Cet album est devenu un de mes préféré. La jeune pianiste y donne différentes variations écrites par des compositeurs d'époques différentes autour de la chaconne de la Partita n°2 en ré mineur BWV 1004. L'organisation des pièces n'est pas faite de façon chronologique mais plutôt en fonction des tempéraments. Le disque commence par la version très moderne de Ferruccio Busoni (ma préférée), jouant énormément sur les tempos et l'alternance des forte et pianissimo, pour enchaîner sur la version très romantique du maître d'Edna Stern, Rudolf Lutz, qui lui a dédié sa composition pour finir sur celle de Brahms dont on comprend que la recherche de la musique pure l'ait conduit à pénétrer l'écriture de Bach. Enfin comme la matrice de toute cette musique, la chaconne pour violon seul de Bach par Amandine Beyer. L'organisation de cet enregistrement invite à écouter différemment cet pièce finale qui pourtant fut écrite la première. J'aime d'autant plus ce disque qu'il renvoie pour moi à une conception de la musique comme combinatoire infinie de possibilités à partir de quelques éléments fondamentaux. Toute la création artistique n'est-elle pas qu'une éternelle variation autours du même de l'autre ? Et, encore une fois, ce qui inspire les artistes, ce sont les autres artistes.
Au Théâtre des Abbesses, c'est une femme moderne qui s'est présentée. Amandine Bey arrive en treillis de soie bleu nuit et petit pull, de simples mules aux pieds. Nous ne sommes pas à un grand récital au sens sociologique du terme et pourtant j'ai assisté à un très grand récital au sens musical du terme. Comme la violoniste le dit elle-même dans les notes du programme (ci-dessous), décider au concert de jouer les Sonates et Partitas ne peut consister qu'en un état des lieux du rapport de l'artiste à l’œuvre, rapport soumis au devenir, jamais interprétation définitive. Il est étonnant de voir Amandine Beyer, seule sur le plateau, sans partition, donner ces pièces d'une difficulté technique redoutable (faire sonner un instrument comme plusieurs instruments) avec une telle liberté. Même si elle ne confine jamais à la confiance. Par moment, elle n'est plus tournée vers son violon mais vers la salle et elle nous donne cette musique, elle nous parle par ses regards, non pas pour attirer notre attention sur un contrepoint ou une fugue mais comme une sorte d'offrande dont elle ne serait que la médiatrice. 
Le choix du violon baroque avec cordes en boyaux oblige à une petite adaptation de l'oreille mais permet aussi de mieux percevoir l'unité stylistique de chaque pièce, tout particulièrement la Sonate n°3. Il est intéressant de voir que deux jeunes femmes ont très récemment complètement renouvelé la discographie de ces pièces de Bach : Amandine Beyer et Isabelle Faust (qui n'utilise pas de cordes en boyaux). Je recommande d'écouter ces deux versions pour se rendre compte de la sonorité et du mélange exceptionnel de fraicheur et d'authenticité que les deux violonistes nous proposent.



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